UNE CONNAISSANCE « ALPHABÉTIQUE » INDISPENSABLE
Pour faciliter la mémorisation de l'emplacement des notes sur la portée, il existe des ouvrages qui permettent d'attaquer le problème frontalement sans autres enjeux que de les lire mentalement ou à haute voix ; une pratique que l'on rencontre généralement dans les cours de solfège des conservatoires, mais qui ne s'accorde pas avec tous les profils.
Connaître l'emplacement d'un « do » d'un « ré » ou d'un « la » en clé de sol ou en clé de fa n'est pas difficile, car leur mémorisation repose sur un mécanisme à la fois logique et visuel. Elle est de plus confortée dès que les doigts transmettre l'information sur le piano.
Face à lui, le pianiste dispose d'un clavier organisé mathématiquement et pour lequel chaque note est préalablement accordée. Si cela offre un avantage incontestable vis-à-vis d'autres instruments, dans sa pratique, le piano ne va pas sans poser quelques problèmes, comme l'explique la leçon : la couleur et le timbre des accords au piano.
DE LA LECTURE À L'ACTION
L'exécution d'une note au piano passe par trois phases successives :
- 1. Le pianiste lit mentalement la note à exécuter.
- 2. Le pianiste joue sur le clavier la touche correspondante à la note avec le bon doigt. (*)
- 3. Le pianiste réalise le son de la note (dynamique) par rapport à ce qu'il cherche à exprimer ou vis-à-vis de l'indication portée sur la partition (nuance).
* : le choix du doigt (pouce, index, majeur...) peut être déduit par la pure technique de l'interprète ou suggéré par la partition.
L'ensemble de ce processus doit s'exécuter dans un délai extrêmement bref, ce qui implique que toutes les informations et relais techniques aient été parfaitement intégrés précédemment : repérage de la note sur la partition, sa transmission sur le piano et enfin sa sonorité. Ce déroulement élémentaire à toute production sonore introduit une autre notion : celle du regard associé au geste et à l'écoute.
Lire les notes sur la portée doit s'accomplir avec une rapidité suffisamment élevée afin d'être en avance sur l'action. Cela signifie que le pianiste doit mémoriser quasi-immédiatement plusieurs notes précédant le geste à accomplir sur l'instrument. Dit autrement, plus le musicien lit en avance et plus il a de temps pour agir et contrôler son jeu technique. Il en ressort une mise à distance qui donne l'illusion que l'interprète joue avec une certaine aisance. Par ailleurs, on remarque que les problèmes de mise en place rythmique relèvent assez souvent d'un manque de coordination préparatoire lors du déchiffrage. Le pianiste, sous pression, est dans l'incapacité de répondre aux différentes exigences de l'exécution de la partition. Il talonne plus qu'il n'anticipe les difficultés. Pour éviter ce parasitage, il est essentiel que l'œil conserve son regard sur les notes à lire en se détachant au maximum du clavier, de façon à ce qu'il informe le cerveau des gestes à venir.
L'autre difficulté majeure concerne en particulier les instruments polyphoniques (piano, guitare, etc.), dont le déchiffrage repose sur les capacités de chacun à lire plusieurs notes en même temps. En effet, la présence d'accords implique une lecture simultanée de cinq, six, voire sept notes et autant de difficultés à surmonter. Habituellement, la lecture de notes verticales (de bas vers le haut) est un passage obligé qui s'impose au pianiste au bout de quelques mois de pratique instrumentale.
LA CONCENTRATION POUR UN EFFET IMMÉDIAT
Si une concentration intense est nécessaire quand on joue du piano, elle est tout aussi indispensable au moment de lire des notes puisque celles-ci viennent en amont avec un dosage d'anticipation. Le regard se focalise sur la partition avec, si possible, une vive conscience de soi. Toutefois, pour de nombreux pianistes, il est extrêmement délicat de respecter le déchiffrage et d'offrir en même temps une interprétation correcte.
Pour y faire face, l'appris par cœur s'impose parfois, ne serait-ce que pour prendre un certain recul dans la manière de jouer la partition. Par ailleurs, la concentration permet de faire abstraction de l'environnement. Le musicien s'enferme dans sa bulle, que celle-ci soit personnelle ou dans le cadre d'une unité collective, comme un orchestre ; ce qui soulève dans ce cas une faculté supplémentaire : celle de s'écouter jouer tout en participant au jeu des autres interprètes. Tout musicien est tenu de s'y préparer un jour ou l'autre !
JOUER SANS LIRE LES NOTES
Déchiffrer une partition conduit généralement à pratiquer l'instrument. Or, à travers les âges, l'histoire de la musique nous rappelle que des musiciens talentueux jouaient – et jouent encore aujourd'hui – d'un instrument sans posséder aucune connaissance en solfège. Pour ces artistes, le guide suprême a constamment été l'oreille associé à une bonne dose de « feeling ».
L'oreille, c'est la liberté d'agir à sa guise, ce qui ne signifie nullement un manque de respect envers la musique. La transcription des notes sur papier n'est au fond qu'un relais, un aide-mémoire qui s'est véritablement imposé dès que des œuvres complexes et imposantes ont vu le jour en accord avec de nouvelles techniques instrumentales. Le temps aidant, la musique occidentale s'est vue ensuite codifiée avec un maximum de détails pour répondre aux exigences des compositeurs.
Au final, si lire les notes sur une portée est considéré comme indispensable, ne serait-ce que pour étoffer sa culture musicale en travaillant différents styles, il existe pour chaque musicien deux façons d'aborder la question du déchiffrage : la première en usant d'une lecture de notes coordonnée au niveau de la pratique instrumentale (le musicien progresse en fonction de ses compétences techniques), et la seconde à travers un apprentissage purement intellectuel. Bien entendu, chacun choisira l'une ou l'autre de ses approches en fonction de ses besoins et objectifs.
par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 05/2024)
À CONSULTER
LA LECTURE DE NOTES ET SON FONCTIONNEMENT
APPRENDRE À LIRE LES NOTES DE MUSIQUE
LA LECTURE DE NOTES EN ACCORD AVEC LE PIANO
